Nous avons simulé expérimentalement la moisson, les semailles et le traitement des céréales sauvages afin d'étudier le début de ces processus au Proche-Orient. Cet article décrit les résultats de nos expériences de moisson, y compris les traces microscopiques d'utilisation laissées sur les outils employés pour ces activités. Nos expériences ont donné des combinaisons spécifiques de traces sur la partie active des outils à moissonner, qui reflètent des variables telles que la récolte d'une ou plusieurs tiges à la fois, le geste de moissonner, l'humidité, la dureté et la teneur en silice de tiges, l'abrasion des outils à moissonner par le sol lors de l'utilisation. L'ensemble de ces facteurs indique le caractère de la moisson, et s'il s'agit de moisson de graminées ou de céréales sauvages en particulier. Par cette approche, nous avons observé des traces ressemblant à celles obtenues par nos expériences, sur certains outils en silex provenant des niveaux contenant des restes de céréales sauvages d'Abu Hureyra et de Mureybet. Ces observations nous conduisent à interpréter certaines lames comme éléments de faucilles pour moissonner les céréales sauvages avant maturité (à l'état "vert", empêchant ainsi une perte importante de graines) et, vu la présence de stries microscopiques, pour couper les tiges assez bas (près du sol). Les stries sont apparues sur les bords des faucilles expérimentales lorsqu'elles ont fonctionné près du sol, que le terrain ait été labouré ou non ; nous interprétons donc ces outils archéologiques striés comme ayant été utilisés près du sol, mais un sol probablement non labouré. De plus, nos expériences ont montré que les céréales sauvages poussaient bien quand elles étaient semées à la volée sur un sol non labouré en été, à peu près comme elles se dispersent dans leurs habitats naturels, ce qui suggère que le travail de la terre, par exemple à la houe, est peu susceptible d'avoir été utilisé conjointement à la culture de ces céréales, aux temps préhistoriques. Comme l'analyse des micro-traces d'utilisation a montré l'existence de la moisson de céréales sauvages à la faucille, et si l'on suppose qu'elles ont été cultivées, cela aurait pu conduire à une sélection en faveur des plantes de morphologie domestique sur ces sites. Nous avons néanmoins observé que les champs moissonés à la faucille repoussaient l'année suivante à partir des graines qui tombent et germent, ce qui rendait inutile le réensemencement pendant plusieurs années. Si ces champs de céréales sauvages spontanément "repoussées" étaient moissonnés, cela annulerait tous les effets de la sélection pour les céréales "domestiques". Des pratiques de culture capables de produire une sélection menant à une domestication ont donc pu être effectuées en particulier lorsqu'un groupe humain se déplaçait souvent et loin de la zone dans laquelle les céréales sauvages poussaient spontanément.